Depuis quelques années, le mot « agile » revient régulièrement dans les discours des entreprises. Les petites structures en ont fait un avantage concurrentiel certain, notamment grâce à leur capacité à développer des solutions au plus près des besoins des utilisateurs et avec une plus grande réactivité. Les structures à taille plus importante tentent de s’inspirer de ces modèles pour monter des équipes dédiées sur des projets bien précis. Elles investissent beaucoup d’argent en conseil agile, en coaching agile etc. Tout cela devrait normalement leur donner les clés pour réussir une transition avec succès. Néanmoins, on se rend compte que la conduite de projets dans une grande entreprise agile n’est pas si simple et cela peut s’expliquer par différents facteurs de succès.
Les startups, maîtrisant parfaitement l’agile placent l’utilisateur au centre du processus de conception d’un produit ou service. En effet, l’utilisateur est sollicité dès la réflexion autour du produit, lors d’ateliers de design thinking ou autres. Il est ensuite associé au cycle de développement avec des tests utilisateurs fréquents, permettant d’adapter le produit au plus près du besoin client, de prioriser les fonctionnalités etc. Les grandes sociétés ont beaucoup plus de mal à faire cela. Le principal frein est qu’elles ont toujours eu comme habitude de ne mettre que des produits finis dans les mains des utilisateurs. Ainsi, il était impensable de pouvoir fournir un MVP (Minimum Viable Product) à des clients ou prospects, notamment à cause des risques de retombées négatives sur l’image de la marque. Ce processus de tests utilisateurs est pourtant indispensable pour déployer une méthodologie efficace.
Le deuxième facteur de réussite est la collaboration fluide entre les équipes projets et la plateforme IT. Les petites structures n’ont pas à embarquer le legacy (la plateforme historique et vieillissante d’une entreprise). Elles sont en capacité de travailler directement avec des prestataires externes (AWS par exemple) et de bénéficier des dernières technologies de devops. Outre les freins technologiques, les équipes agiles de grandes structures doivent faire face à une réticence au changement des équipes IT. La peur de se faire dépasser, la non-compréhension des nouvelles technologies et méthodologies, le manque de confiance de certains collaborateurs, …, sont autant de facteurs qui poussent certaines équipes à se replier comme de véritables villages gaulois. Cela entraine forcément des ruptures de chaîne et des goulots d’étranglement dans un processus qui doit être le plus lean possible.
Une entreprise qui aspire à devenir une grande entreprise agile doit prendre toutes les dispositions humaines et technologiques si elles veulent avoir la certitude de réussir leur projet.
Le phénomène que l’on observe donc très souvent est la grande difficulté de passer d’un proof of concept à une solution industrielle et exploitable en production. Cela génère frustration et amertume dans les équipes et décourage les structures de se lancer dans des projets stratégiques en méthodologie agile.
L’un des risques du passage à l’agilité vient également du fait qu’il est parfois effectué trop brutalement, avec une décision du top management. En effet, nous avons pu observer, à plusieurs reprises, des entreprises ayant embarqué des centaines de collaborateurs dans des modèles dits « à l’échelle » afin de radicalement passer en pilotage agile de projet. Bien que des résultats peuvent rapidement se faire sentir, les risques sont nombreux. Les collaborateurs ne sont pas forcément prêts, les systèmes informatiques non compatibles, les fonctions supports peu ou prou organisées… Si l’on veut comparer cette image au monde du sport, ce serait comme « demander à un sprinteur de courir un marathon ». Après des mois de galère, des démissions, des échecs de projets, les entreprises reviennent à des méthodes traditionnelles de développement, afin de sauver ce qui peut l’être encore.
Alors effectivement l’élan apporté par ces jeunes sociétés, pour qui la méthode agile n’est qu’une formalité et qui sont capables d’en tirer le maximum de bénéfices, attire les grands groupes désireux de se transformer. Néanmoins, le changement doit être accompagné pour que les équipes s’adaptent à ces nouveaux modes de fonctionnement ainsi qu’à l’imperfection des produits mis dans la main des clients.